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Logement Parisien et Francilien
22 juillet 2008

Immobilier défiscalisé : de l'arnaque au krach

Des milliers de propriétaires se sont fait piéger par la belle promesse fiscale du dispositif Robien. Déjà difficiles à louer, leurs appartements s'annoncent aussi durs à revendre. Reportage...

« Il y a trois ans, j’ai voulu acheter pour louer et profiter des avantages fiscaux du dispositif Robien raconte Philippe P., psychiatre dans l’Ardèche. On m’a vanté les charmes d’un coquet T2 entouré de verdure, rue de Bordeaux à deux pas du centre ville d’Angoulême. J’ai signé… avant de m’apercevoir que la rue de Bordeaux était une quatre voies loin de tout et je cherche encore la verdure… Je ne savais plus s’il fallait rire ou pleurer de rage. Maintenant je sais, tant la suite a été cauchemardesque ! »

Imprudent Philippe P? Sans aucun doute. Sauf que ce médecin est un cas parmi plusieurs milliers d’autres, et il est probable que le nombre de bernés va connaître une dangereuse inflation dans les mois et les années à venir. Et pour cause : depuis le 2 juillet 2003, 250.000 logements neufs ont été livrés dans le cadre du dispositif « De Robien », soit plus de la moitié des ventes d’appartement neufs réalisées en France. Le principe : il s’agit d’acheter un logement destiné à la location pendant 9 ans au moins, sans dépasser un loyer plafond, moyennant la déduction des impôts d’une partie des frais d’acquisition dudit logement.

« Pour les particuliers à revenus confortables en mal de défiscalisation, l’occasion était rêvée » reconnaît Jean-François Gabilla, président de la fédération des promoteurs constructeurs de France. « Pour les pouvoirs publics aussi, puisque le dispositif était une solution idéale à la crise du logement en France » explique Henry Buzy Cazaux, vice président du groupe Tagerim.

L'étendue des dégâts

8000 à 10.000 immeubles ont été construits dans le cadre du dispositif Robien

30% : c’est l’écart entre le loyer qui permet la défiscalisation et le loyer réel à Angoulême

20% : c’est la surcôte payée pour les appartements achetés dans les packages par rapport au prix de marché du bien .

Mais c’était sans compter la véritable fièvre qui s’est emparée des promoteurs. En l’espace de trois ans, 8 à 10.000 immeubles flambants neufs sont sortis de terre, la moitié en région parisienne, la moitié en province. Même dans des villes moyennes où la demande est presque inexistante… mais le foncier bon marché comme à Montauban, Albi, Tarbes, Périgueux, Poitiers, Le Puy en Velay. «Les promoteurs sont arrivés en masse, avec à chaque fois non pas 10 ou 20 logements à vendre mais des centaines, constate Alain Espinasse, agent immobilier à Albi. Pas étonnant qu’aujourd’hui le réveil soit douloureux.

« Des milliers d’appartements n’ont toujours pas trouvé preneur» constate Laure Bourgoin, chargé de mission à la Défense du consommateur (CLCV). Jusqu’à 180 sur certaines petites agglomérations. Dans quelques villes, l’offre est si prolifique que les bailleurs offrent plusieurs mois de loyer gratuits pour attirer le locataire. « Mieux certains constructeurs sont prêts à payer le déménagement pour assurer le remplissage» constatent Marie Christine Arnaud et Marc Bertrand de l’Union Française de Gestion (UFG).

Le temps de la surprise passé, les petits investisseurs qui ont mal acheté leur bien n’hésitent plus à afficher leur colère. Preuve en est le foisonnement des sites internet leur donnant la parole, sur lesquels reviennent toujours les mêmes mots : arnaque, abus de confiance… Matthieu Delmas, avocat à Paris ne mâche pas ses mots. « Au vu des dossiers qui s’accumulent sur mon bureau, le moins qu’on puisse dire est conclure qu’il y a des failles dans le dispositif De Robien. Chaque fois, c’est la même histoire qui se répète ». Au commencement des vendeurs qui font, avant tout, miroiter de belles carottes fiscales en oubliant de rappeler qu’il s’agit avant tout d’un placement immobilier. « C’est avant tout pour ça que le dispositif a pris l’eau », confirme René Pallincourt, président de la Fédération nationale de l’Immobilier. Mais pas seulement.

« Quelques réseaux spécialisés, qu’on appelle les vendeurs debout, autrement dit qui démarche à domicile, ont aussi mis le paquet pour séduire le chaland » ajoute-t-il. L’argumentaire est très au point et la technique est toujours la même. Souvent frauduleuse. « Un démarcheur à domicile doit obligatoirement indiquer par qui il est mandaté et apporter toutes les garanties demandées par la loi de 2003 dite sécurité financière, puisqu’il est en situation de démarchage bancaire», explique Maître Delmas. La réalité est tout autre.

D’abord, il y a le coup de téléphone d’un « conseiller en patrimoine », spécialisé dans la réduction d’impôts. Après quelques questions sur les revenus, il propose la solution la plus appropriée à la situation financière et fiscale du « prospect ». Lors de la rencontre, il explique doctement que les meilleures spécialistes du groupe se sont penchés sur son cas et conclut que la seule solution est de profiter du dispositif « De Robien », via l’acquisition et la location d’un bien immobilier. « Nous avions pourtant précisé que l’achat d’un appartement était inconcevable, car notre taux d’endettement dépasserait le plafond autorisé par la banque » se souviennent Marc et Andrée M. qui ont pourtant cédé. Réponse du vendeur : «Je m’occupe de tout ».

Le concept clé en main est bien ficelé : le bien est acheté avec un contrat de gestion par un organisme tiers, le plus souvent une filiale du promoteur, qui assure pendant 6 mois la première occupation ainsi que les carences de loyers de 6, 12 ou parfois 24 mois. « Des garanties qui rassurent» expliquent Alain Durant, directeur commercial d’Urbat (promoteur). Le vendeur dégaine alors les documents à remplir. Il s’agit toujours d’un appartement situé au moins à 500 kilomètres de chez l’acquéreur.

Alain I, fonctionnaire de l’éducation nationale à Toulouse, a compris, peu de temps après son engagement, que son investissement risquait de tourner à la catastrophe. D’abord parce que son T2 acheté à 98.000 euros à Cholet lui a été livré avec un an et demi de retard. Entre temps, les prix des loyers ont été sérieusement révisés à la baisse compte tenu de l’offre abondante et de la demande très faible. Résultat : son effort financier personnel qui devait atteindre tout juste 150 euros est aujourd’hui de 350 euros. Et ce fonctionnaire estime qu’il ne s’en sort pas trop mal. Tout comme cet ingénieur de Centrale fort en maths qui a pu se rétracter à temps : il a refait tous les calculs du vendeur (loyers, crédit, avantage fiscal) : tout était faux !

Philippe P s’en est moins bien sorti. Son appartement à Angoulême est resté vide durant 9 mois. A 445 euros, loyer de départ, il a dû réviser ses prétentions à 385 euros. Mais pour ce psychiatre médecin aux revenus confortables, ce n’est pas le pire. C’est en faisant estimer son bien par un expert immobilier auprès des tribunaux qu’il a vraiment paniqué. Son 46 mètres carrés avec parking acquis pour un total de 120.000 euros, frais de notaires et assurances comprises, ne vaut en réalité que 66.000 euros. il a su, un peu tard, que le prix moyen au mètre carré à Angoulême est de 1500 euros et non pas 2600 euros. « Les prix des biens dans bon nombre de villes sont surévalués d’au moins 20 %, et c’est le cas à Montauban» avance Brigitte Barèges, maire de la ville. Si ce n’est pas plus. Car dans le montage financier, il n’est explicité nulle part que le prix du bien comprend la TVA, les frais de notaire, les intérêts bancaires et surtout les commissions. Or sur les simulations, le prix total d’achat sert systématiquement de prix de base d’évaluation du bien.

Et ce n’est pas tout ! « Je croyais signer pour un prêt à taux variable de 3,90 % avec plus ou moins 1,20 %, aujourd’hui le taux d’intérêt est passé à 5,80 %. Mon conseiller m’apprend qu’il s’agit d’un prêt dont la mensualité est plafonnée, pas le taux du crédit. Résultat : je risque de payer sur 25 ans et non pas 20 ans comme prévu au départ ». Un cas fréquent, ces crédits étant souvent présentés comme les seuls possibles dans les packages. « Quand on voit ça, on ne peut que s’interroger sur les collusion entre banques, promoteurs, et sociétés de gestion en patrimoine » renchérit Maître Delmas. Certains malins ont même réussi à vendre du Robien à des couples qui ne payaient pas d’impôts !

Linda Quan, s’est elle aussi laissée piéger. Cette jeune Kiné demeurant dans l’Hérault a acheté en juin 2003 un appartement de 4 pièces à Thiers, près de Clermont Ferrand, pour la coquette somme de 145.000 euros par IFB, avec assurances diverses, notamment garanties locatives et cotisations de 140 euros annuel à Euro Delta Conseil, association de copropriétaires soit disant indépendante (mais qui n’est autre qu’une filiale de IFB) et censée vérifier le montage financier et défendre ses intérêts. Le loyer était garanti à 610 euros par mois, le prix plafond… complètement déconnecté des tarifs pratiqués dans la ville. Résultat : le logement est resté vide durant 10 mois. En février 2005, elle trouve preneur mais à seulement 540 euros, soit une perte de 160 euros par mois. En mars 2006, le locataire part. Rebelote : carence locative, assurance… basée sur le loyer en cours de 405 euros ! Et des déductions d’impôts parties en fumée puisque celles-ci étaient établies sur la base du loyer maximal ! Aujourd’hui, la Kiné compte ses pertes : « au centime près 3 534,81 euros sur les trois dernières années ». Et il lui reste encore six ans à tenir.

Pour Patrick, qui tient à garder l’anonymat, la situation est franchement dramatique. Son appartement n’a pas été loué durant un an après la livraison. «J’étais propriétaire d’un bien de 96.900 euros, bailleur à hauteur de 400 euros par mois et bénéficiaire d’un crédit d’impôts chiffré à 18.734 euros. Je me suis retrouvé propriétaire d’un logement vide devant rembourser 675 euros par mois et sans avantage fiscal ». La suite pour ce quadra ? Il a mis son appartement en vente. Après une vingtaine de visites, la première proposition d’achat est tombé à 75.000 euros soit 21.000 euros en dessous du prix d’acquisition. Mais sans suite. Aujourd’hui ? « Aucune proposition solide d’achat et toujours 675 euros de remboursement d’emprunt à sa charge car toujours pas l’ombre d’un locataire », avoue t-il.

Le bilan ? « Ce système, qui parle directement au portefeuilles des petits investisseurs, a aiguisé l’appétit d’une foule de constructeurs et de réseaux de ventes, dans un marché sans aucune règle », explique Yannick Ainouche, directeur général de Quiétude Groupe. Et le nombre des floués parmi ces acheteurs de « packages » risque d’augmenter inexorablement. Même parmi ceux qui n’ont pas eu de problèmes pour louer et profitent de la défiscalisation. Car tous ont surpayé d’au moins 20% un produit qu’il faudra revendre au bout de neuf ans sur un marché de la pierre qui s’annonce bien moins porteur qu’au début des années 2000. Au total, ce seront des milliers de mètres carrés qui pourraient être bradés. Et s’ils étaient transformés en HLM. Une réponse, comme une autre, à la crise du logement. Mais qui est loin de satisfaire les investisseurs.

Source : L'Expansion.

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merci pour ce blog!
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